Quiconque a reçu des courriels de l’Équipe de défense et de la haute direction des FAC au cours des trois dernières années peut témoigner du message cohérent visant à améliorer l’inclusivité et la diversité de notre organisation ; un nouveau membre ayant grandi dans cette atmosphère peut être choqué d’apprendre que ce n’était pas toujours un principe défendu avec autant de conviction, mais un message qui était nécessaire en raison d’un examen approfondi des erreurs commises dans le passé. Cet article se concentre sur la communauté 2SLGBTQ+ au sein des FAC, en soulignant les épreuves qu’ils ont endurées pour servir leur pays, ainsi que les réparations offertes pour ce traitement, et le changement positif observé au sein de l’institution à ce jour.
L’Affreux : Une histoire longue et mouvementée
Dès 1866, la Grande-Bretagne a adopté le Naval Discipline Act, que le Canada a adopté comme loi navale canadienne - cette loi permettait de condamner un homme pour “indécence”, ce qui entraînait une punition ou un emprisonnement ; la définition vague de l’”indécence” permettait de l’appliquer aux hommes homosexuels sexuellement actifs, interdisant de fait l’homosexualité au sein de la MRC.
En 1940, le Corps de santé de l’armée royale canadienne a institué le système de classification PULHEMS (physique, haut du corps, bas du corps, locomotion, ouïe, vue, état mental, stabilité émotionnelle) pour évaluer les candidats à l’armée, la note 5, la plus élevée, étant réservée aux personnes considérées comme inaptes au service ; les hommes homosexuels qui tentaient de s’engager étaient classés 5 en raison de leur “personnalité psychopathique”, assimilée à d’autres conditions qui justifiaient la note élevée, comme les délinquants chroniques, les alcooliques et les toxicomanes. Il était bien documenté que les hommes homosexuels étaient considérés comme manquant “d’honnêteté, de décence, de responsabilité et de considération”, qu’ils étaient considérés comme une menace pour l’autorité et le moral, et qu’ils étaient jugés “médicalement inaptes” à servir. Cette opinion est renforcée par une politique qui autorise la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, la loi sur la discipline navale et l’article 16 de la loi sur l’armée de terre et l’armée de l’air étant utilisés pour renvoyer les hommes homosexuels déjà en service dans les FAC.
Des histoires telles que celle du capitaine de corvette William Atkinson, qui a été contraint de démissionner de la Marine royale canadienne (MRC) en 1959 après la révélation de son orientation sexuelle, étaient tragiquement courantes ; dans une interview, il a décrit une atmosphère dans laquelle les soldats hors service étaient surveillés en cas de soupçons d’homosexualité, et où les membres 2SLGBTQ+ exposés subissaient des pressions pour révéler d’autres membres. Les membres exposés avaient le choix entre une libération volontaire avec une décharge honorable et une cour martiale qui les conduisait à une libération déshonorante.
Il s’agissait d’une vérité terrible et acceptée par les membres homosexuels des FAC, qui étaient obligés de cacher leur vie personnelle de peur d’être démasqués, et qui était appliquée par une politique de haut niveau. Au sommet de cette injustice, en 1967, les FAC ont émis une ordonnance administrative des Forces canadiennes (OAFC 19-20, Déviation sexuelle - Enquête, examen médical et élimination) exigeant l’enquête et la libération des membres soupçonnés d’être homosexuels ; c’est ainsi qu’est née la désormais tristement célèbre “ Machine à fruits “, un dispositif créé pour “ identifier les homosexuels perçus et réels dans l’armée canadienne “. Cette OAFC a donné lieu à ce que l’on appelle aujourd’hui “ la purge “, un moment honteux de l’histoire de notre institution qui s’est traduit par des fouilles complètes des domiciles de membres 2SLGBTQ+ soupçonnés d’être homosexuels dans le but d’éliminer les “ délinquants “ à libérer, y compris les membres féminins.
Le mauvais : Un effort éphémère pour maintenir le statu quo.
En 1982, les politiques des FAC ont été clarifiées, indiquant que les personnes 2SLGBTQ+ n’étaient pas autorisées dans les FAC parce que leur présence pouvait causer des “ conflits interpersonnels “, affecter le moral et potentiellement avoir un “ effet néfaste sur l’efficacité opérationnelle “, reflétant étroitement les opinions de 1940 qui étaient utilisées pour rejeter les candidats potentiels qui s’identifiaient comme 2SLGBTQ+.
La lumière a commencé à briller sur les racines discriminatoires des politiques des FAC en 1990, lorsque Michelle Douglas a intenté un procès contre l’armée canadienne, qui l’avait renvoyée en raison de son statut de lesbienne. L’affaire a été jugée en faveur de Michelle et a entraîné une révision de la politique, avec une contestation de la Charte des droits et libertés mettant fin à la discrimination et à l’épuration officielles des gays et des lesbiennes en 1992, et décrétant que tous les Canadiens 2SLGBTQ+ seront autorisés à servir ouvertement dans notre institution.
Le bon : Un voyage continu
À partir de cette affaire réussie, l’attitude des FAC à l’égard des personnes 2SLGBTQ+ s’est considérablement améliorée ; en plus d’annuler l’interdiction de servir des membres, les FAC ont supprimé les restrictions de leurs politiques de recrutement qui empêchaient les personnes 2SLGBTQ+ d’être recrutées. En 2016, un recours collectif à l’échelle nationale a été lancé par des survivants de la Purge contre le gouvernement fédéral ; en 2017, le premier ministre Trudeau a présenté des excuses officielles aux personnes touchées par la Machine à fruits, la Purge et la discrimination générale envers les membres des FAC en raison de leur identité sexuelle. En 2018, le procès a été réglé en faveur des survivants, une victoire monumentale et un pas en avant dans les réparations pour le bilan déchirant de cet événement sur la vie de nombreux membres des FAC et de leurs familles. Le règlement a permis de verser une compensation financière aux survivants et de créer le LGBT Purge Fund, une organisation à but non lucratif, dont Michelle Douglas est la directrice exécutive, qui continue de contribuer aux mesures de réconciliation et de commémoration. On estime qu’entre 1950 et 1992, 9 000 membres des FAC ont été victimes d’abus, de harcèlement, d’intimidation et de libération forcée des FAC parce qu’ils étaient gays ou lesbiennes, un nombre qui semble insondable dans le climat et les messages d’inclusion d’aujourd’hui.
Bien que le règlement ait été un pas en avant dans la réconciliation avec ceux qui ont subi ce traitement dans le passé, la victoire va de pair avec les actions tangibles des FAC visant à assurer que l’éthos militaire, y compris le respect de la dignité de toutes les personnes, était appliqué de manière égale à nos membres 2SLGBTQ+ actuellement en service.
Le 07 juin 2013, par exemple, la BFC Edmonton a été la première base à arborer fièrement le drapeau de la Fierté ! La demande a été faite par l’Adjum McDougall, qui a été surpris qu’elle soit accordée si rapidement et sans objection de la part de la chaîne de commandement. L’Adjum McDougall a fait le commentaire suivant dans un article de la CBC couvrant l’événement : “ C’est un énorme revirement par rapport à ce qui se passait auparavant. Lorsque je me suis engagé, je n’aurais jamais envisagé de dire à quelqu’un que j’étais gai. Ce n’était tout simplement pas macho.” Dans la foulée, en 2016, les premiers drapeaux de la Fierté ont flotté dans trois garnisons de la 2e Division canadienne. L’exécutif de l’Organisation consultative de la fierté de l’Équipe de la Défense, qui a travaillé à faire reconnaître le Réseau de la fierté comme le cinquième groupe consultatif au sein de l’Équipe de la Défense, a également contribué à ce qu’il soit désormais courant de voir le drapeau de la fierté flotter dans divers établissements du MDN et navires des HMC au Canada pendant les semaines locales de la fierté. De même, alors qu’en 2006, il a été décrété que si les militaires pouvaient participer aux défilés officiels de la Fierté, ils n’étaient pas autorisés à revêtir leur uniforme pour l’événement. Cela a changé en 2017, lorsqu’une directive a été publiée autorisant tous les membres des FAC à assister et à participer aux événements de la Fierté en uniforme.
Aujourd’hui, notre organisation cherche à éclairer ses angles morts et à donner une voix à nos groupes minoritaires de plusieurs façons : la création de groupes consultatifs pour les minorités, y compris les Defence Team Pride Advisory Organizations, dans tout le pays, permet aux membres et aux alliés des groupes de jouer un rôle consultatif “ pour nous, par nous “ ; la mise en œuvre, bien qu’elle ne soit pas encore omniprésente, du programme Positive Space Ambassador permet aux membres de la CAF d’apprendre comment créer et favoriser des espaces sûrs pour tous les membres. Le changement le plus récent, et peut-être le plus controversé, concerne les règles vestimentaires en vigueur depuis longtemps ; auparavant, les règles étaient rédigées de manière à définir strictement tous les aspects de l’apparence d’une personne, avec des politiques différentes pour les hommes et les femmes. Le nouveau règlement sur la tenue vestimentaire a été révisé pour reconnaître l’exigence de diversité et son impact positif sur l’efficacité opérationnelle dans nos rangs. Les membres ne seront plus limités à l’uniforme désigné comme correspondant aux genres binaires “ homme “ et “ femme “ ; désormais, les FAC sont libres de porter l’uniforme qui leur convient le mieux, quelle que soit leur identité sexuelle, et les règlements vestimentaires s’appliquent également à tous les membres des FAC.
Bien que le Canada soit depuis longtemps considéré comme un chef de file en matière de pensée progressiste et de promotion des droits de la personne, nos organes directeurs sont composés d’humains et sont donc faillibles et capables d’erreurs. Les Forces armées canadiennes sont depuis longtemps censées refléter la société canadienne dans son ensemble - par leurs politiques, leur conduite et leurs membres ; la triste réalité est que les politiques historiquement discriminatoires qui étaient acceptables par les normes sociétales dans le passé ont également influencé le traitement des groupes minoritaires au sein des FAC, et la discrimination des membres 2SLGTBQ+ n’était pas unique aux FAC ou au MDN. Les progrès réalisés sont dus à la volonté de notre organisation de réévaluer des opinions autrefois partagées, de communiquer ses erreurs de manière transparente et d’écouter les membres des FAC sur la manière de s’améliorer. Les progrès sont dus à des pionniers comme Michelle Douglas qui ont eu le courage de rejeter l’intolérance et la discrimination, de demander des comptes à notre institution et, par conséquent, de façonner l’application de l’éthique de la CAF et son engagement envers l’inclusion.
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